Trachéotomie

Dans ce chapitre je ne parle que de mon expérience personnelle, bien que je connaisse certaines autres personnes trachéotomisées. Pour les malades atteints de SLA, l'insuffisance respiratoire provient de la paralysie du diaphragme. Sans diaphragme, pas de respiration possible. Il faut donc remplacer ce muscle paralysé par une machine qui fasse le même travail que lui.

Premiers signes d'insuffisance respiratoire : Chez moi, cela s'est d'abord manifesté par un essoufflement en fin de journée qui m'empêchait de travailler. Même sans travailler, j'avais du mal à reprendre mon souffle et il fallait ouvrir la fenêtre pour que ça aille mieux. Puis, peu à peu, cet essoufflement gagnait du terrain en se manifestant de plus en plus tôt dans la journée. Finalement, début janvier 1999, je ne pouvais plus rien faire, car dix minutes après être installée à l'ordinateur, j'étais tellement essoufflée qu'il fallait ouvrir grand les fenêtres, alors qu'il gelait dehors. Même chose pour la nuit, et je ne dormais absolument pas.

Le choix : Ce n'est pas dans cet état de souffrance que vous pouvez faire le choix entre la trachéotomie et le chemin du cimetière, entre l'intervention chirurgicale et la grosse dose de morphine qui vous endormira pour ne plus se réveiller. Il faut prendre le problème en considération bien avant. Pour ma part, c'est mon mari qui a décidé, et je crois que c'est la bonne méthode, car personne ne veut mourir, et laisser le patient choisir revient à choisir la mort. Qui choisirait de vivre sachant qu'on devient un poids excessivement lourd pour son entourage ? Car une fois trachéotomisé, des mucosités se forment dans la trachée qu'il faut aspirer au risque de s'étouffer. Pour les personnes qui ont l'usage de leurs mains, c'est un geste simple qu'ils font eux-même, mais pour les SLA, complètement paralysés, ça ne peut être fait que par une tierce personne. Et comme ces besoins d'aspirations peuvent survenir à n'importe quel moment du jour ou de la nuit, ceci suppose qu'un SLA trachéotomisé soit gardé 24h/24. Je pense que celui qui prend la décision doit prendre en compte l'activité et le désir de vivre de la personne concernée. Une fois la trachéotomie faite, personne n'acceptera de débrancher la machine.

La trachéotomie : L'intervention chirurgicale dure une dizaine de minutes et se fait sous anesthésie locale. C'est donc une opération bénigne. Mais après, il faut s'habituer à la machine, car on a tendance à vouloir respirer, c'est-à-dire de s'efforcer à faire fonctionner son diaphragme, alors que la machine est là pour le remplacer ; résultat, la machine s'emballe et vous vous épuisez. Même très habitué, il vous arrivera (par exemple en période de fièvre) de lutter contre le respirateur. Il faut arriver à le laisser faire, sans entraver son mouvement.

Les gardes : Comme je l'ai déjà dit, c'est le gros problème des SLA trachéotomisés. Cela s'est relativement amélioré depuis une dizaine d'années, car maintenant les auxiliaires de vie, après une petite formation, ont l'autorisation de faire ce geste bénin qu'est l'aspiration. Par ailleurs depuis mars 2005, il est sorti un décret au bénéfice des personnes très lourdement handicapées, pour le remboursement des heures de garde à domicile, et ceci indépendamment du salaire perçu. On peut donc imaginer un système de trois-huit pour les personnes n'ayant aucun moyen de faire autrement. Pour ma part, mon mari est là, avec moi 24h/24, ce qui représente pour lui, un énorme sacrifice. Maintenant, avec la nouvelle loi, il va peut-être pouvoir sortir les après-midi et, aller en bibliothèque comme il aimait le faire avant.

Conclusion : La vie des SLA trachéotomisés est tout à fait envisageable, elle est même recommandable pour les personnes ayant gardé une certaine activité et voulant vivre. Il ne faut pas avoir peur de l'opération ni de cette machine à laquelle vous êtes attaché jour et nuit, on a vite fait de l'oublier. Pour moi, elle a été un vrai soulagement. Et ne faites pas comme moi, n'attendez pas la dernière minute, j'ai vraiment trop souffert. Demandez la dès les premiers signes d'insuffisance respiratoire. Ce n'est rien et ça vous soulagera énormément. Un conseil, prenez votre décision très tôt, ce n'est pas en souffrant qu'on peut la prendre, et quelquefois, ça vient si vite, qu'on se retrouve trachéotomisé sans avoir pu y réfléchir.